Histoire de Béruges

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De la Préhistoire à l’Age des métaux

silex_taillés_paléolithique_optTerrain de parcours des hommes de la Préhistoire, le territoire de la commune de Béruges a révélé – par les découvertes archéologiques du siècle dernier et par celles effectuées depuis 1976 au cours de fouilles de sauvetages sur le site d’éperon  rocheux du bourg – une riche et longue occupation, allant de 2500 avant J.-C. environ à nos jours. Ainsi son site d’éperon barré a-t-il attiré les hommes dès la fin du Néolithique. Les agriculteurs éleveurs de la culture d’Artenac utilisent encore le silex mais importent de petits objets en cuivre.

Durant la période des Âges des Métaux, la structure sociale se modifie profondément. L’artisanat se développe (bronziers et forgerons). A la fin du premier Âge du fer (vers 450 avant J.-C.), le village est dominé par des aristocrates qui emploient une riche vaisselle peinte au graphite. A la Tène finale,  les Gaulois l’entourent d’un « Murus Gallicus« , rempart à parement de pierres sèches et chaînage de poutres internes.

Antiquité gallo-romaine

murus_gallicus_légendéeDurant le IIe et Ier siècle avant J.-C., ce petit « oppidum » assure des échanges avec le monde romain (céramique campanienne, amphores vinaires de Campanie, de Tarraconnaise, amphores à huile de Bétique…). Après la conquête romaine, le village se transforme. Le Murus Gallicus est arasé et Béruges semble alors occupée par une importante villa gallo-romaine (dont il reste d’imposants vestiges  : constructions voûtées et mur servant de soutènements ; puits). Elle était décorée d’enduits peints, de mosaïques, de marbres provenant entre autres de mer Egée et d’Asie Mineure. Les témoignages de la vie quotidienne gallo-romaine sont nombreux : verrerie, bijoux en bronze, objets en os (tabletterie), céramiques communes et de luxe , monnaies, clous, buste en marbre, lampes à huile… Cette vie intense s’étale de la première moitié du Ier siècle après J.-C. au milieu du IIème siècle après J.-C. Les restes appartenant aux siècles suivants sont plus rares.

Haut Moyen-Âge

sarcophage_ méronvingien_aux colombes_moulage_optAu Haut Moyen-Âge, la communauté installe ses sépultures à l’emplacement des restes d’édifices gallo-romains : ainsi naît la nécropole du bourg, sur ou près des thermes privés de la villa. Cette nécropole était probablement liée à  la naissance de la paroisse puisque située devant la première église de Béruges qui était dédiée à Saint Gervais et Saint Protais ; une autre nécropole se situe au Verger Bonnet, à l’extérieur de l’éperon, sur un petit temple gallo-romain.

Citée en 1068, l’église paroissiale relève de l’abbaye de Montierneuf qui y établit un prieuré sur des terres données par Agnès, femme d’Engilbert de Lusignan, vers 1125. Les Lusignan, seigneurs de Béruges, ont probablement fait construire la tour de  Guyenne au cours du XIe siècle. A la suite de la rébellion d’Hugues X de Lusignan, en 1242,  cette construction défensive – comme le décrit le chroniqueur Guillaume de Nangis – est prise et en partie détruite par Louis IX venu au secours de son frère Alphonse de Poitiers qui tenait le Poitou en apanage. Le reste de la paroisse est partagé entre plusieurs seigneuries ecclésiastiques : l’abbaye du Pin, fondée vers 1120 et rattachée en 1163 à l’abbaye cistercienne de Pontigny, la commanderie de l’Épine, appartenant à l’ordre des Templiers, l’abbaye de Fontaine-le-Comte et les seigneuries laïques de Mons, de la Raudière et de la Bourdillière.

L’abbaye du Pin, après des débuts difficiles, connaît un important développement. atelier_maisons-gauloises_optEn effet, elle obtient de Richard Cœur de Lion (qui a choisi comme aumônier pour la croisade l’abbé Milon) des terres en Angleterre, au sud-est d’Ely et en 1194 le droit de minage, taxe levée sur la vente des céréales à Poitiers. Elle a reçu des terres qu’elle défriche et valorise sur les paroisses de Béruges, Latillé, Montreuil-Bonnin, Cissé, Yversay et du Loudunais. Elle possède de nombreux moulins et exploite au village de Ferrières l’argile et le minerai de fer. La commanderie de l’Épine passe, après la suppression de l’ordre des Templiers en 1312, aux Frères hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem et ses biens sont gérés par le grand prieuré d’Aquitaine, en particulier sa forêt giboyeuse. L’abbaye comme les terres de la paroisse sont dévastées par la Guerre de Cent ans.

Périodes moderne et contemporaine

A la fin du XVe siècle, elle est administrée en commande. En 1449, la seigneurie de Béruges passe aux mains d’André Chaillé, bourgmestre échevin de Poitiers, puis – en 1494 – à la famille de Tudert. Les Guerres de Religion portent un coup terrible à l’abbaye du Pin. Brûlée lors du siège de Poitiers par Coligny en 1569, elle n’est que partiellement restaurée. De plus, au milieu du XVIIe siècle, les mœurs se relâchent (procès de 1649). Au XVIIIe siècle, elle retrouve le calme. En 1745, on compte dix religieux qui entretiennent une hôtellerie pour les voyageurs pauvres et souffrants. Depuis 1654, la seigneurie de Béruges est devenue propriété de Jean Jaumier, écuyer, seigneur de Saint-Gouard, qui plante autour du château un parc d’une centaine d’arpents. Elle passe ensuite à la famille de Pestalozzi puis, par mariage, aux de La Fitte. Vers 1780, Béruges compte près de 700 habitants, en majorité analphabètes, comprenant presque autant de fermiers-bordiers que de propriétaires.

Devenue commune en 1790, elle voit la vente des domaines ecclésiastiques et des nobles émigrés comme biens nationaux. Parmi les acheteurs, citons le principal, Malteste, officier municipal de Poitiers et révolutionnaire, Milon, premier maire et, enfin, l’ancien abbé du Pin, de Cressac. La grand masse des acquéreurs appartient à la bourgeoisie poitevine. Le 13 mars 1793, Béruges est touchée par les émeutes qui suivent la levée en masse. Au cours du XIXème siècle, elle poursuit sa vie de petite commune rurale aux terres pauvres, bientôt touchée par l’exode rural. Le 21 janvier 1873, la foudre endommage l’église et – devant l’ampleur des dégâts et la petite taille de l’édifice – le Conseil municipal décide 2 ans plus tard la construction d’une nouvelle église, à l’emplacement du cimetière. De 1922 à 1934, la ligne de tramway Poitiers-Lavausseau dessert Béruges. De 1914 à 1933, Béruges est dirigée par François-Albert, Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts de juin 1924 à avril 1925, puis Ministre du travail de janvier à octobre 1933.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, deux aviateurs anglais, Clark et Parkinson, sont abattus au sud de Béruges.

En 1964, la commune de Béruges s’agrandit d’une portion de la commune de Quinçay, le village de Ferrières. Elle voit sa population continuer à diminuer jusqu’en 1976. Cependant elle devient périurbaine et sa structure sociale se modifie et rajeunit. Elle entre dans la communauté d’agglomération poitevine. Commune dynamique, elle valorise  ses atouts naturels comme  la  vallée de la Boivre, et ses richesses archéologiques et historiques (jardin archéologique, musée).

Jean-Pierre CHABANNE, extrait du dictionnaire des communes et pays de la Vienne dirigé par Dominique GUILLEMET , Geste éditions 2004.

Pour en savoir plus :

  • E.BIZARD, Béruges, histoire d’un village du Poitou, 66 p. 1968.
  • J.-P.CHABANNE, « Béruges, 100 ans de découvertes archéologiques« , Le Picton, n°46 juillet-août 1984.
  • J.P. CHABANNE, J.-P. PAUTREAU « Un habitat de hauteur du 1er âge du Fer à Béruges« , Aquitania, sup. 1986.
  • LEROUX « L’abbaye du Pin, une abbaye cistercienne en Poitou », Le Picton, n°71-72.
  • J.-C. GUILBERT , L’abbaye Notre-Dame du Pin, abbaye cistercienne de la vallée de la Boivre, 1990, 22 p.
  • BAUSSANT-VIGIER, Une paroisse rurale du Haut-Poitou : Béruges – 1737-1815, maîtrise de l’Université de Poitiers.
  • G.ROY, Béruges (86)-2005, Itinéraire d’un randonneur, cahier n°30 association des Amis de Béruges, édition Association des publications chauvinoises, 2005.
  • BERTRAND (coord.)J.-P. CHABANNE, S. VIDONNE-LEBRUN, 30 ans de découvertes archéologiques à Béruges (86), cahier n°36, association des Amis de Béruges, édition Association des publications chauvinoises, 2008.